Tech & Music Note

Tech, musique, cinéma, séries, édition... tout change et se mélange !

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Par Brice Homs
18 avr. · 4 mn à lire
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Metaverse, le retour !

Mais était-il vraiment parti ?

« Le cinéma projetait une image à quelques dizaines de mètres d’une foule de centaines de personnes. La télévision a rapproché l’écran à quelques mètres d’une famille. L’ordinateur a encore réduit la distance à moins d’un mètre d’une personne ou deux. Le mobile, quant à lui, a proposé à l’individu une version tactile du monde à quelques centimètres de son corps. Les lunettes de réalité virtuelle se positionnent désormais à quelques millimètres de l’œil. »

J’ai tiré cette introduction du remarquable ouvrage de Morgane Soulier (éditorialiste à la Harvard business review ) et Michel Levy Provençal  (professeur à Sciences Po et chroniqueur aux Echos) : Metaverse comprendre le monde qui vient, récemment paru aux éditions Grasset.

Comme nous le font remarquer les deux auteurs, plus on va, plus près nous sommes des écrans.

L’étape suivante est donc, logiquement, à force de se rapprocher, de passer à travers l’écran.

Bienvenue dans le Metaverse !

Ça tombe bien, son retour est annoncé pour 2025, dopé à l’intelligence artificielle, nourri de nouveaux concepts, et étoffé de nouveaux usages !

Pourtant on le disait mort et enterré. On raillait un fiasco pour Meta (ex-Facebook) qui avait investi 4,5 milliards de dollars à grand renforts d’annonces ou pour Disney qui avait fermé le 28 Mars 2023 sa toute récente division dédiée pourtant forte de 50 personnes.  

Le magazine Business insider titrait ainsi le 8 mai 2023, soit il y a juste un an, en gros caractères : RIP Metaverse.

Suivait un article sous forme d’éloge funèbre annonçant « la mort prématurée du metaverse, une technologie qui fît le buzz en promettant à ses usagers de se retrouver de façon bizarre dans une monde déroutant aux allures de jeu vidéo. Abandonné par le monde des affaires, il avait trois ans »

source - Business insidersource - Business insider

https://www.businessinsider.com/metaverse-dead-obituary-facebook-mark-zuckerberg-tech-fad-ai-chatgpt-2023-5.

Détrôné par une hype sur les IA génératives savamment orchestrée au moment de levées de fonds spectaculaires, bridé par la technologie, le metaverse avait trop promis trop tôt, et souffrait d’un déficit d’identité.

En gros personne ne savait vraiment ce que c’était, et encore moins quoi en faire.

« Une proposition nouvelle a besoin de trois choses pour se développer : une utilité claire, une audience cible, et la volonté des consommateurs d’adopter ce produit », expliquait l’article de l’Insider. Force est de constater qu’il y avait un flou sur chacun de ces trois points.  

Alors qu’est-ce qui pousse le magazine Venture beat à titrer le 9 février 2024 : « Le metaverse est de retour, mais ne l’appelons plus le metaverse »

source - Venture Beatsource - Venture Beat

https://venturebeat.com/games/the-metaverse-is-back-but-lets-not-call-it-the-metaverse-the-deanbeat/

C’est que Disney justement, vient de faire un investissement record d’un milliard et demi de dollars (1,5 billions $) dans Epic Games pour développer un « univers ouvert et connecté Disney ». Vous remarquerez note malicieusement Dean Takahashi, rédacteur de l’article, que le mot metaverse n’est pas utilisé, « tant il est devenu ringard ».

Dans leur ouvrage, Morgane Soulier et Michel Levy Provençal, n’hésitent pas, eux, à prononcer le nom et même à souligner sa valeur. « Les plus grands analystes prédisent une industrie qui pèsera 5000 milliards de dollars d’ici 2030. ». Ils nous proposent donc 4 grands scénarios de prospective sur son développement jusqu’à cet horizon.

La raison ? Le monde de la finance a peut-être, comme le constatait le Business insider, lâché le metaverse, mais les entreprises, non.

Au contraire, elles ont passé la surmultipliée et développé des expériences inédites, des possibilités nouvelles, grâce aux échanges entre le virtuel et le réel le metaverse a trouvé des applications pratiques immédiates. Notamment grâce au concept de jumeaux numériques. Des répliques à l’identique.

source - Turing institutesource - Turing institute

https://www.turing.ac.uk/about-us/impact/twinning-ways-how-digital-twins-will-change-our-world-better

Le metaverse est bien de retour. Et cette fois-ci pour de bon.  Cela était-il prévisible ? Je dirais oui. Pourquoi ? J’appellerais cela le syndrome de la Rose pourpre du Caire.  Je m’explique :

Vous vous souvenez du film de ce film de Woody Allen ? Allez, pour celles et ceux qui ont raté la séance ciné-club (je confesse moi-même l’avoir vu il y a peu de temps) je vous fais le pitch :

Cecilia (Mia Farrow), serveuse, s’échappe de sa vie en allant au cinéma. Un jour qu’elle va pour la cinquième fois de suite voir « La rose pourpre du Caire », un vieux film en noir et blanc, l’un des personnages, incarné par Jeff Daniels, sort de l’écran et lui avoue être tombé amoureux d’elle à force de la voir dans la salle. Ils vont passer une folle journée dans son monde à elle, puis lui va l'eemmener dans le sien, de l’autre côté de l’écran.

Bien sûr les deux univers, la réalité et le virtuel, vont s’en trouver modifiés. Le cours de la vie comme le cours du film projeté dans ce cinéma, dont la copie va différer de celles projetées dans d’autres salles…

source - La rose pourpre du Cairesource - La rose pourpre du Caire

Sans le savoir, par ce tour à proprement parler de passe-passe, Woody Allen a-t-il anticipé  le metaverse nouveau ? Le rapport entre le virtuel et le réel ?

Nous serons des deux côtés de l’écran. Mais surtout chaque action aura des conséquences pratiques dans le metaverse autant que dans notre réalité. On parle maintenant de Phygital.

La marque Zara propose déjà sur le site asiatique Zepeto d’acheter des vêtements sous forme le NFT pour son avatar et de se faire livrer la version réelle à domicile.

La ville de San Francisco aura bientôt sa réplique exacte pour offrir des services inédits à ses habitants.

source  - Geopogosource - Geopogo

https://youtu.be/GprE65pY3pw?si=BsRLB6XvaUtL0Sje

Il faut pour comprendre ce qui advient rajouter à notre introduction une étape, entre la télévision et l’ordinateur : celle de l’écran relié à une console de jeu vidéo. C’est-à-dire la possibilité d’agir sur ce qui se passe dans l’écran (et non plus être simples spectateurs) en pilotant un personnage, devenu dans le metaverse notre avatar.

Mais aussi prendre en compte nos usages des réseaux sociaux. 

« Selon Hootsuite, outil de gestion des plateformes sociales, nous ne visiterions pas moins de 7,5 plateformes dédiées aux usages numériques sociaux chaque mois. Le temps passé sur ces plateformes ne cesse aussi de progresser atteignant près de 2H30 par jour au niveau mondial. » notent Morgane Soulier et Michel Levy Provençal.

Ils ajoutent « il n’existerait pas moins de 500 fonctionnalités dans instagram ».

source - business 2 source - business 2

Alors la musique dans tout ça ?

La société de droits d’auteur américaine ASCAP et son département numérique ASCAP Lab en partenariat avec le NYC media Lab a l’an dernier soutenu dans son incubateur Music in the metaverse quatre entreprises travaillant sur des projets musicaux à destination du metaverse.

Pop ins propose des avatars très réalistes de vos artistes, Offbeat modélise votre identité musicale afin que « les auditeurs deviennent aussi des curateurs »,  Sol Tunes génère des NFTs avec des pixels bands et des extraits musicaux, (créés par des IA génératives et suscitant une réaction immédiate de Nick Lehman chef de la stratégie digitale chez Ascap), Metacities, recrée des lieux de concerts virtuels, jumeaux numériques de lieux réels dans 50 villes du monde.

source - ASCAPsource - ASCAP

https://ascapexperience.com/demoday

Comme le fait remarquer Yaw Asamani de OffBeat, « la Gen Z passe près de 17H par semaine à écouter de la musique. ». Investi par le marché des marques, le metaverse ne pourra sous-estimer une telle ressource. Nul doute que la musique va y occuper une place importante.

Un expert de l’industrie musicale que je questionnais ce matin sur ce sujet distingue lui deux types de metaverses. Ceux évoluant dans le Web 3, comme Decentraland ou The Sandbox et ceux issus du Web 2, comme par exemple Roblox ou Minecraft.

Pour lui ce sont ces MMORPG (massively multiplayer online role-playing games), préfigurations du métaverse, qui offrent de meilleures opportunités, et ce pour deux raisons. D’abord l’audience est déjà là. Roblox annonçait le 17 janvier 2024, 70,2 millions d’utilisateurs quotidiens.

Ensuite, leur modèle économique permet d’y monétiser la musique, contrairement à Fortnite d’Epic games qui est sur un modèle de flat fee (forfait) à la Netflix.

source - Offbeatsource - Offbeat

C’est sur cette promesse qu’Universal music associé à Republic records et Styngr lancent Boombox sur la plateforme Roblox.

Cette offre permettra aux labels, curation, promotion et monétisation de leurs playlists au travers du player digital “portable” StyngR, (voir photo ci-dessous). On pourra par exemple y partager ou écouter ensemble de la musique partout dans le jeu. Et chaque écoute ou diffusion sera ainsi rémunérée par une fraction des recettes publicitaires intégrées.

Une expérience qui pour l’utilisateur permettra aussi d’améliorer sa persona digitale. Une promesse que l’on trouvait déjà chez Offbeat soutenu par l’incubateur de l’ASCAP.

Une façon aussi de fidéliser et fédérer l’audience de « superfans », nouvel Eldorado des revenus de la musique.

source - Universal / Robloxsource - Universal / Roblox

https://www.universalmusic.com/universal-music-group-republic-records-styngr-bring-boombox-to-roblox-pioneering-opportunities-for-labels-and-players/

Le meilleur des mondes pour les ayants-droits ? A voir, car les progrès rapides des intelligences artificielles génératives, comme la mise à disposition en version beta de la nouvelle plateforme UDIO rivale de SUNO, annoncent déjà la génération de morceaux de musique en quelques secondes avec des niveaux de rendu inédits jusque-là.

Bien au-delà des musiques dites « d’ambiance », il devient de plus en plus difficile, en termes de son du moins, de savoir qui de l’homme ou de la machine a produit quoi.

Quelle sera la place de la musique dans le(s) metaverse(s). Sur quelles modalités sera-t-elle proposée, écoutée et même créée ? Comment sera-t-elle rénumérée pour ses créateurs ?

Dans les espaces que va investir le metaverse et que nous allons investir dans celui-ci se profilent de formidables opportunités pour la musique et les artistes mais aussi un nouveau Far West de tous les dangers.

Est-ce un symbole prémonitoire pour la musique que le nouvel album de la chanteuse Beyoncé fasse appel à une imagerie western ?

source  - CNNsource - CNN

La devise au fronton du metaverse sera peut-être pour les créateurs d’oeuvres musicales la formule prononcée par Howard Rodman, ancien président de la WGA (Writers Guild of America) et bon connaisseur de ces enjeux, en conclusion d’un récent discours à la SACEM  :

Liberté - Egalité - Beyoncé 

On en reparle dans une prochaine édition de cette newsletter.